
Ecrire est une entreprise, une totale entreprise de vivre qui demande l’engagement entier de l’écrivain, si on part de la logique sartienne (Jean Paul Sartre : 1948). Cela me permet d’aborder l’œuvre de Selmy Accilien : « sur la tige de l’amour », dans le rapport dialectique existant entre l’auteur et l’œuvre. Voilà la clef avec laquelle je m’introduis dans le somptueux jardin que Selmy propose au public.
Tout naturellement, je n’aime pas trop la botanique, je ne sais pas pourquoi. J’ai commencé à ouvrir le livre avec perplexité. Après la dégustation de quelques mots, je me suis rendu compte que c’était un bain littéraire dans un bassin naturel. J’aime les arbres ( je suis scout), la littérature est mon vin préféré, voilà le secret qui m’enchaine dans le livre de Selmy. L’auteur nous donne la possibilité de marcher coude à coude avec l’amour dans un espace naturel très sain, avec des personnes de rêves.
La poésie de Selmy réverbère sur les branches de la réflexion des lecteurs le rêve, l’amour, la sincérité, même si parfois des fortes pluies dérangent des journées ensoleillées d’amour. Le poète se donne la chance de lier l’amour au cadre naturel et fait jaillir sa fleuve poétique. Quand deux hommes se croisent, la littérature tend à être hégémonique. Ainsi, à chaque poème une voix s’élève pour courtiser les mots.
Accilien se présente comme un véritable photographe. Dans chacun de ses textes, il donne la possibilité de mirer ce qu’il dessine sur sa plume. Dans son poème, « pas trop loin », on peut tailler cette image :
Je vis là,
Cette vie d’abeilles en voyage.
Pas trop loin d’ici
Je construis mon île bleue
Avec le souffle de la tourbe,
Le flux de mon âme,
Et la chlorophylle d’esprits mortels.
L’amour souffle avec toute sa pureté, un amour surhumain. La façon dont l’auteur décore ses textes assure la gestion de l’image qu’on revendique souvent pour l’écriture poétique.
Nous allons danser ce soir
Dans la romance de l’aurore
…
Il nous fera des promesses de mariage
Avant même qu’il n’épouse sa floraison d’effluve
Dans ce livre, Selmy jongle bien avec les mots. C’est pour moi l’un des caractéristiques essentielles d’un poète. Il allie la littérature et la nature végétale pour accoucher des poèmes, à mon sens singuliers. C’est une véritable sève littéraire.
Tout au début j’ai souligné qu’il faut prendre l’œuvre de Selmy dans sa totalité, avec sa vision du monde. Cela me permet de questionner certains choix de Selmy. Je ne connais pas les femmes que je rencontre dans ses textes. J’ai même l’impression que même ces femmes pour lesquelles il écrit ne se reconnaissent pas dans les mots de Selmy. Les femmes qui captivent sa plume sont des femmes à cheveux blonds. On ressent une idée d’exile dans sa création littéraire. Il invite Mélina à venir se baigner dans ses yeux de mer d’Egypte
Mélina, il y a une mer dans mon œil,
Mer d’Égypte
Viens t’y baigner ce soir
Avec cette même idée, il souhaite tomber en ivresse dans les yeux d’une autre amante qui a, selon lui, des yeux de ville Paris. Il a même fait de l’Amazonie le pays de son âme :
Amazonie pays de mon âme
Là où j’habite sans corps d’âme.
Cette situation justifie la confidence qu’il nous fait dans son livre, en nous laissant comprendre que son âme est en pèlerinage dans des pays qu’il ne connait pas.
Mon âme en pèlerinage
Elle voyage dans des pays
Qu’elle ne connaît pas
Cette posture du poète qu’il qualifie d’exile pour parler de l’amour est pour moi une lâcheté, un désengagement, une déterritorialisation de l’œuvre de son lieu matériel de création. Si la poésie contient une part d’imaginaire, elle ne doit, en aucun cas se détacher de la situation matérielle de création. Cela me pousse à demander pour qui écrire ? Assurément, Sartre allait me répondre rapidement qu’il n’a de poésie que par et pour autrui. Mais, il revient à l’auteur de nous dire vers qui est dirigé la sève littéraire circulant dans la tige de l’amour.
Jean Verdin JEUDI